Les enjeux de la transition numérique

Surfer sur la vague ou boire la tasse ?

Ce mardi 13 mars 2018, j’étais à Marchiennes-Au-Pont pour une journée de conférences sur un sujet d’actualité: celui de la transition numérique dans les associations. Stop! Vous alliez quitter cette page parce que vous êtes dirigeant de PME, entrepreneur ou commerçant ? Et bien, surtout continuez votre lecture car vous allez voir que les enjeux du secteur non-marchand ne sont pas différents de ceux du marchand. La différence est surtout sensible entre les « grands » acteurs et les « petits »!

Un enjeu pour les associations et les entreprises

Les grandes ONG ont compris depuis un bon moment le parti qu’elles pouvaient tirer des nouveaux médias de communication, à l’instar des grands groupes commerciaux. Pour vous en convaincre, faites un tour sur les sites de Médecins du Monde, de l’Unicef, de Plan International ou celui de la vénérable Fondation Roi Baudouin. Ces organisations, malgré des moyens limités en comparaison des grandes marques, utilisent tous les outils et toutes les techniques du marketing, et ceux du marketing digital en particulier.

Il faut faire parler le terrain. Utiliser le storytelling pour dénoncer mais aussi pour montrer les changements suite à nos actions… Mais l’internet gratuit, c’est fini! Il faut investir des ressources.

Alexandre Seron, Médecins du Monde.

Aux côtés des invités d’organisations de bonne taille (Médecins du Monde, Enabe – Belgian Development Agency et EDEN – Centre Culturel de Charleroi) les organisateurs ont eu la bonne idée, pour la séance plénière, d’inviter une petite organisation, La Maison du Conte. Pourquoi une bonne idée ? Pour montrer qu’il est possible de mettre en place une communication digitale et d’obtenir des résultats avec peu de moyens mais beaucoup de bonne volonté de la part de bénévoles! Et aussi pour me permettre de poser un cadre à ma réflexion…

En effet, les « petites » associations et les « petites » entreprises n’ont pas les mêmes moyens que les grandes. Elles n’ont pas les mêmes besoins non plus. Médecins du Monde s’est donné comme objectif, par exemple, de publier deux tweets par jour.  Est-ce que les « petites structures » doivent s’imposer ce genre d’objectifs ? Non… De plus, ces ONG ont un rôle politique, un rôle de plaidoyer, elles sont le porte-parole des plus faibles. Elles travaillent souvent dans l’urgence. A ces titres, elles doivent occuper l’espace. Certes, beaucoup d’associations ont aussi ce rôle, mais à une moindre échelle. Il importe donc de bien définir sa stratégie et ses objectifs. L’enjeu, c’est la présence dans l’espace des nouveaux médias. Cet enjeu vaut aussi pour les entreprises.

Question d’un participant : quel est, selon-vous, l’argument unique pour convaincre mon organisation qu’il est vital d’investir dans le domaine de la communication numérique ? (Rires dans la salle.)

Réponse : vous ne le faites pas, mais d’autres le font. Petit à petit, vous perdrez en visibilité. Jusqu’à disparaître. Même la Commission européenne a compris ça!

Chaque association, chaque entreprise doit réfléchir à sa stratégie de communication

Et cela m’amène à une autre réflexion: le « marketing » n’a pas toujours bonne presse, surtout dans le milieu associatif. Sans doute parce que le terme est connoté.

Cette année, tous les étudiants en marketing de l’EPHEC font leur stage de deuxième année dans le secteur associatif. Objectif: établir une campagne digitale pour l’association où ils font leur stage.

D’accord, le marketing, c’est une manière de voir les choses en phase avec la consommation (au sens « société de consommation »). Mais c’est aussi, et surtout, un ensemble de techniques et d’outils qui permettent d’atteindre des buts. Et je pense qu’à ce titre, une association a bien des objectifs qui s’inscrivent à la fois dans sa mission et dans sa responsabilité sociétale.

A titre d’exemple, j’ai récemment décrit la responsabilité sociétale d’une ASBL, active entre autres dans le domaine de l’hippothérapie et de l’intégration dans la société de personnes porteuses de handicap, comme s’établissant envers les employés (huit personnes employées, plus de nombreux prestataires et bénévoles), les clients et bénéficiaires et enfin la société (l’intégration et le contact avec les animaux et la nature). Cette responsabilité sociétale constitue l’essence de l’association. Elle en justifie l’existence. Elle établit le bien-fondé des moyens affectés à sa subsistance et à sa pérennité.

Vu sous cet angle, les techniques du marketing sont bien des outils au service de l’organisation. Ils permettent d’atteindre des objectifs. Pour quelles raisons une association fonctionnerait-elle différemment d’une entreprise ? La différence entre marchand et non-marchand se situe, éventuellement, au niveau de la finalité. Celle d’une association est sociale. Celle d’une entreprise est lucrative. Et encore, la plupart des entrepreneurs que j’ai rencontrés travaillent pour gagner leur vie, mais leurs motivations se situent à d’autres niveaux que leur portefeuille.

Du point de vue de la communication, les associations et les ONG disposent d’un avantage énorme par rapport aux entreprises commerciales : un à priori positif de la part du public!

Faire du marketing sans vendre son âme au diable…

« Médecins du Monde » est une marque!

Alexandre Seron, Médecins du Monde

Comment communiquer, comment se faire connaître, comment vendre ses produits et ses services en restant fidèle à ses valeurs ? Simplement… en commençant par réfléchir. En commençant par établir sa stratégie de communication. Connaissez-vous Simon Sinek et son « golden circle » ?

Très peu d’organisations savent pourquoi elles font ce qu’elles font. Le « pourquoi », ce n’est pas à propos de faire de l’argent. Le « pourquoi », c’est un but, une cause ou une croyance. C’est la raison essentielle pour laquelle votre organisation existe.

Simon Sinek

Il suffit donc de commencer par le pourquoi. Pourquoi mon association existe-t-elle ? Parce qu’elle fait vivre huit employés. Parce qu’elle rend heureux et qu’elle permet à des personnes porteuses de handicap de se sentir mieux et de mieux s’intégrer dans la société. Parce qu’elle croit que la société fonctionnera mieux si ses membres retrouvent le contact avec les animaux et la nature. Pourquoi mon entreprise existe-t-elle ? Parce que elle fait vivre ma famille et cinq employés. Parce qu’elle permet à des agriculteurs de cultiver leur terre et de nourrir les gens. Parce qu’elle cherche à fournir à ses clients des produits alternatifs, moins chers et plus fiables. Parce qu’elle trouve injustifiée la stratégie des grands constructeurs. En commençant par le pourquoi, il n’y a aucun risque de se perdre et de vendre son âme au diable!

Une fois la définition du pourquoi établie, le comment et le quoi prennent leur sens. Il suffit alors de vérifier à tout moment que la manière dont nous travaillons et ce que nous produisons est bien en lien avec notre pourquoi, et que nous respectons toujours nos valeurs.

Une bonne stratégie de communication et ses outils

La stratégie est préalable au plan opérationnel. Nous avons défini le pourquoi, le comment et le quoi de notre organisation. Nous avons défini nos valeurs. Il nous manque un élément important: le qui! A qui nous adressons-nous ? Ce « qui » va déterminer notre manière de communiquer, non seulement en terme de forme mais aussi de contenu.

Que vais-je dire ? Comment vais-je le dire ?

Les personas

Le concept de personas fut introduit pour la première fois dans un ouvrage publié en 1998, The Inmates are running the Asylum (Les Fous dirigent l’Asile). Un persona est un personnage fictif qui représente des personnes réelles. Il représente un client type. Nous pouvons définir plusieurs personas pour notre organisation, en général de un à quatre. Un personas est caractérisé par ses comportements, ses motivations et ses buts. Dans le processus de définition de la communication, nous le considérons comme un personnage réel auquel nous nous adressons. De cette manière, nous pouvons mieux nous assurer que notre communication est ciblée. Car si nous ne parlons pas à quelqu’un en particulier, nous ne parlons à personne!

Le triangle de persuasion

Il s’agit d’un autre outil qui permet de penser aux trois mousquetaires de la communication: ethos, logos et pathos.

  • Ethos, la légitimité.
  • Logos, la raison, la démonstration.
  • Pathos, les émotions.

Le storytelling

Il faut raconter une histoire. Si on n’en raconte pas, alors on est celui qui n’a rien à dire, qui n’a pas d’histoire à raconter.

Tanguy Pay, OoyoO

Il faut faire parler le terrain. Utiliser le storytelling pour dénoncer mais aussi pour montrer les changements suite à nos actions…

L’intervenant de Médecin du Monde.

Au lieu de vous faire un long discours, je vous propose de regarder quelques secondes l’image ci-contre… Votre imagination ne s’est-elle pas immédiatement mise en route ? Le storytelling, c’est ça. Accrocher le lecteur, le visiteur ou le client par son imaginaire et les références culturelles qu’il contient. Toutes les marques et toutes les ONG l’utilisent car il constitue en moyen de communication fort et instantané. Le secret, c’est d’utiliser des images qui racontent une histoire, renforcée par un slogan.

Pour en savoir plus sur cette technique, Wikipédia!

Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit! Le storytelling est une arme à double tranchant. S’il permet de rendre un message plus percutant, il permet aussi une forme de manipulation. Mais si vous avez suivi la démarche que je vous propose, vous avez établi votre « pourquoi » et vos valeurs. Ceux-ci établissent le cadre à l’intérieur duquel vous restez fidèle à l’éthique que vous vous êtes fixé.

Les étapes de la communication

Attirer – Convertir – Conclure – Fidéliser.

Ce sont les étapes d’une communication réussie, au service de l’organisation. Vous souhaitez, à travers votre communication, attirer de nouveaux membres ou de nouveaux clients. C’est l’étape la plus difficile. Ensuite, vous souhaitez qu’ils convertissent leur visite en engagement ou en achat. La conclusion, c’est le moment où ils concrétisent cet engagement ou cet achat. Enfin, vous souhaitez fidéliser vos membres ou vos clients parce que vous leur avez fait bonne impression et qu’ils reviendront chez vous la prochaine fois.

Pour attirer les visiteurs sur votre site internet, il existe quatre approches :

  • Le lien direct. La personne connaît votre organisation ou votre entreprise. Elle se rend sur votre site web ou votre magasin en ligne parce qu’elle le considère comme un moyen de communication directe au même titre que le téléphone, l’e-mail ou une visite en personne.
  • Vous vous êtes fait connaître par les médias traditionnels.
  • Vous parlez de vous et vous faites parler de vous sur les réseaux sociaux.
  • Vous avez un bon « page rank » dans les moteurs de recherche et votre site est affiché sur la première page de Google quand un internaute a entré des mots clés pertinents pour vous.

Je reviendrai plus en détails sur les deux derniers points plus loin dans cet article : Soutenez votre cause et votre présence sur les réseaux sociaux et Search Engine Optimization, quésaquo ?

Le plan opérationnel: Stratégie > Objectifs > Actions > Mesures

Le plan opérationnel s’articule sur votre stratégie. Définir les objectifs d’une campagne, d’un projet. Établir les mesures qui permettront de vérifier dans quelle proportion ces objectifs sont atteints. Lister les actions concrètes pour atteindre ces objectifs.

Les réseaux sociaux, faut-il y être ?

Devons-nous créer une page Facebook pour notre organisation ? Je vous laisse trouver la réponse par vous-même, mais je vous donne un indice…

Source: Digimedia.be

Si vous avez répondu non à la question, ne lisez pas ce qui suit!

Facebook, ce n’est pas que des « LOL cats »!

Vous expliquer en détails l’ensemble de la démarche n’entre pas dans le cadre de cet article. Je vais me contenter de lister les points clé d’une bonne communication sur les réseaux sociaux, principalement Facebook.

Je précise: je n’ai pas d’actions Facebook et pour tout vous dire, je n’en suis pas un grand fan. Mais professionnellement, pouvons-nous nous passer d’un média fréquenté par 6 millions de Belges ? Enfin, n’oublions pas que sur Facebook, c’est nous le produit. Connaître nos habitudes, établir notre profil et vendre nos données… mais c’est une autre histoire.

Des réseaux sociaux alternatifs existent, comme Mastodon. Ils sont bien plus respectueux de votre vie privée… mais malheureusement beaucoup moins fréquentés. Cependant, je livre à votre réflexion cette question d’un participant : pour un événement que vous organisez, vaut-il mieux avoir 1.000 « j’aime » sur Facebook  et trois personnes qui viendront vraiment. Ou trois « j’aime » sur Mastodon et trois personnes qui viendront vraiment ?

Les points clés d’une communication sur Facebook:

  • Créez une page spécifique pour votre activité.
  • Pensez à votre identité visuelle.
  • Ciblez vos publications.
  • N’oubliez pas le « Call To Action ».
  • Ne couvrez pas plus de 20% d’une image avec du texte.
  • Utilisez de courtes vidéos.
  • Alimentez votre page régulièrement. Adaptez ce rythme à votre capacité à publier. Vous pouvez planifier les publications.
  • Contrairement à ce que vous pensez, les publicités sur Facebook ne coûtent pas forcément cher et sont facilement maîtrisables.

Nous sommes dans une société où nous avons de moins en moins confiance dans les grandes institutions. Paradoxalement, on voit augmenter l’influence des bloggers, vloggers, réseaux sociaux… Nous tendons à faire de plus en plus confiance aux micro-influenceurs

La preuve sociale

Ce qui m’amène à vous dire quelques mots sur un autre outil de marketing numérique: la preuve sociale. La preuve sociale, ce sont les avis des clients publiés sur un site de vente en ligne ou les recommandations sur Facebook. Saviez-vous qu’il existe des sociétés qui enregistrent les avis de vos clients après un achat et les publient sur votre site, de façon indépendante, tout en modérant les commentaires ?

Search Engine Optimization, quésaquo ?

Vous voudriez apparaître dans les cinq premiers résultats Google quand un internaute fait une recherche sur des mots clés qui sont pertinents pour votre organisation ? Bien entendu! En quelques mots, que devez-vous savoir à ce propos ?

  • A une époque pas si lointaine, il suffisait de quelques ficelles grossières pour biaiser les résultats. Aujourd’hui, les algorithmes d’indexation ont tellement évolué qu’il est préférable de compter sur la qualité de votre contenu plutôt que sur des trucs bidons.
  • Les algorithmes des moteurs de recherche visent à établir l’intérêt de vos pages aux yeux d’un internaute. D’autre part, ils cherchent à interpréter le plus précisément possible la requête entrée par ce même internaute pour déduire ce qui l’intéresse. L’objectif, c’est de lui présenter des résultats qui pointent vers des pages dont le contenu est pertinent en regard de ses intérêts.
  • Une fois que vous avez compris ça, vous avez compris comment améliorer votre rang: mettez en ligne du contenu de qualité, ciblé.
  • Le reste, c’est juste un peu de technique et de bonne pratique…

Quelques astuces:

  • Si vous avez un site WordPress, je vous recommande de faire un tour chez Yoast (avec un nom pareil, oui, vous aviez deviné, ils sont basés aux Pays-Bas). Ils proposent un plugin WordPress pour vous aider à établir de bonnes pratiques dans le domaine du référencement. Il existe une version gratuite limitée et une version payante.
  • Les campagnes AdWords sont une bonne manière de booster votre présence. Les coûts sont faciles à maîtriser.
  • Inscrivez votre site sur Google Analytics et Google Search Console.

Connaissez-vous SocialWare.be – Donations de produits et services informatiques pour associations ? En plus des nombreux logiciels et matériels que vous pouvez vous procurer à très bons prix par leur intermédiaire (si vous êtes éligibles), vous pouvez obtenir presque gratuitement pour 10.000 € de crédit AdWords sur Google! Une opportunité en or pour booster le référencement de votre site (si celui-ci propose du contenu de qualité).

Intégration

Une dernière chose, importante. Pensez à intégrer les différents médias de communications que vous utilisez entre eux. Ajoutez votre site web au bas de votre signature dans vos e-mail. Publiez des articles sur votre site et annoncez-les sur votre page Facebook….

Une petite touche d’humour pour terminer…

Ceux qui me connaissent savent l’intérêt que je porte au deuxième degré et à la dérision… Voici pour terminer une petite réflexion sur les images commerciales qui servent à illustrer les sites et les brochures. J’ai trouvé celle-ci sur une des brochures distribuées ce mardi. A priori une belle photo, sensée évoquer le dynamisme d’une société… mais qu’évoque-t-elle vraiment, quand on la regarde bien ?